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Mylène Jacquot qui vient d’avoir un entretien avec l’hebdomadaire Marianne que nous reproduisons ci-dessous.
Par Laurence Dequay
Pour le premier syndicat des fonctionnaires, être rémunéré davantage au mérite ne constitue pas la priorité des agents de l’État, des hôpitaux et des collectivités territoriales. En revanche, tous souhaitent des augmentations générales, de meilleures carrières et des formations. « Marianne » s’est entretenu avec la secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques, Mylène Jacquot.
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Marianne : Cinq millions de fonctionnaires de l’État, du secteur hospitalier et des collectivités territoriales perçoivent déjà 23 % de leurs traitements sous forme de primes diverses. L’Élysée et Matignon cependant souhaitent augmenter leur part de rémunération « au mérite ». À vos yeux, est-ce le bon levier pour attirer les jeunes ou un piège tendu aux fonctionnaires ?
Mylène Jacquot : Sur la forme, je déplore fortement que les syndicats n’aient pas été concertés en amont sur ce sujet. Car l’exécutif ne nous a toujours pas communiqué le projet de loi d’une vingtaine d’articles que préparait le ministre Stanislas Guérini. La semaine où la CFDT Fonctions publiques devait le rencontrer en bilatérale, notre rendez-vous a été annulé en raison du remaniement gouvernemental…
Sur le fond, rémunérer davantage au mérite les fonctionnaires n’est pas du tout notre priorité. D’abord, je ne pense pas que ce levier attire les jeunes. Toutes les études qui ont été menées le démontrent : ceux qui nous rejoignent recherchent avant tout un métier intéressant, utile à tous, s’exerçant collectivement. Ensuite, selon d’autres enquêtes, des primes trop nombreuses ont plutôt tendance à tuer la motivation des fonctionnaires, car ils n’en discernent plus les critères d’application.
Cependant, depuis des années, la CFDT et d’autres syndicats exigeaient la tenue dans le public de NAO, ces négociations annuelles obligatoires, sur le modèle du privé. Cette perspective devrait figurer dans le projet de loi. Elle ne vous enchante plus ?
Nous réclamons effectivement des NAO… qui aborderaient tous les sujets salariaux : augmentations générales, mesures ciblées, mesures individuelles à l’instar de ce qu’il se passe dans le privé. Et en mode pluriannuel pour l’évolution des carrières et des parcours professionnels. Or, aucun de ces chantiers n’a été ouvert depuis le vote de la réforme des retraites ! De surcroît, nous n’avons aucune perspective de hausse de notre point d’indice en 2024.
De votre point de vue, que doit donc faire l’exécutif pour satisfaire ses agents ?
Logiquement, avant de vouloir rémunérer davantage « au mérite » les fonctionnaires, il faudrait commencer par évaluer correctement leur travail. Or, ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui ! Ensuite, nos collègues savent qu’ils doivent se former sur la transition écologique et sur le déploiement de l’intelligence artificielle. Mais si l’on nous parle de former 25 000 agents, à ce jour, seuls les managers ont été épaulés afin d’acquérir ces compétences.
Ce n’est pas tout. Contrairement aux idées reçues, les fonctionnaires ont très envie d’évoluer dans leurs fonctions, mais moins géographiquement. Or ces mobilités entre les différents services n’ont pas été réellement travaillées au niveau des bassins d’emploi. Il faut les négocier avant même d’adopter une loi.
Craignez-vous que des fonctionnaires rémunérés davantage au mérite soient sous pression des élus, notamment dans les collectivités territoriales ?
Naturellement, nos collègues redoutent que leurs augmentations « au mérite » soient décidées de façon discrétionnaire, c’est-à-dire à la tête du client. Avec le risque d’accentuer les inégalités de rémunération de 12 % qui persistent encore, à qualification égale, entre les hommes et les femmes en 2024…
Toutefois, par le passé, les politiques reprochaient surtout aux managers des trois fonctions publiques de ne pas utiliser suffisamment les outils mis à leur disposition pour distinguer leurs agents. Simplement pour mobiliser ces outils, ces cadres doivent disposer d’une marge budgétaire ! Or, Bercy nous annonce vouloir économiser 12 milliards d’euros en 2024 sur la dépense publique…
En augmentant la part des primes dans la rémunération des fonctionnaires, l’État cherche-t-il aussi à économiser sur leurs retraites ?
C’est un sujet que nous allons devoir négocier pied à pied. Une part importante des primes accordées aux agents de l’État n’est en effet pas prise en compte dans le calcul de leur pension à leur départ. Il faut à l’avenir que cela change.
Par Laurence Dequay (Marianne)
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